Thomas le rimeur by Ellen Kushner

Thomas le rimeur by Ellen Kushner

Auteur:Ellen Kushner [Kushner, Ellen]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 284230117X
Publié: 2015-05-23T04:00:00+00:00


Assise dans sa chambre, elle lisait un livre. J’ignorais qu’elle sût lire. Debout à la porte, j’attendis. Elle me tendit la main ; je m’approchai et m’agenouillant y déposai un baiser.

Elle posa la main sur ma tête. « Thomas. Je t’ai manqué ? »

Sa voix me perça comme une volée de flèches. J’avais oublié sa douceur pénétrante. Je laissai échapper un petit cri étouffé, comme si je venais vraiment d’être atteint. « Oui, beaucoup. Vous le savez bien.

— J’ai eu à faire », répondit-elle.

J’avais l’impression que je me noyais et que seule sa main pouvait me sauver. « Je vous aime, m’écriai-je en pressant cette main contre ma joue. Je vous en prie, ne soyez pas si cruelle. J’ai besoin de vous.

— Allons. » Elle me caressa la tête, la serrant contre elle. « Allons, c’est fini.

— Sans vous, je suis perdu.

— Eh, oui, dit-elle. Je le sais. Mais toi, tu ne le savais pas, me semble-t-il. À présent, tu l’as compris, n’est-ce pas ?

— À présent, je le sais, dis-je en cherchant de mes lèvres ses épaules, son cou, son visage. Allez-vous me rendre ma bague, maintenant, douce amie ?

— Oh que non, Thomas. Cette bague est à moi et je la garde ; elle ne t’a été que brièvement prêtée. »

Je bondis sur mes pieds, me dressant d’un air menaçant au-dessus de sa beauté précise et délicate. « Allez au diable ! Vous êtes aussi fausse que le verre… ! » lançai-je en levant un poing pour la frapper.

La Reine des Elfes leva vers moi deux yeux rieurs. « Ah, tu ferais cela, Thomas ? Vraiment ? »

Ma main retomba le long de ma cuisse. « Oui, dis-je d’une voix froide, sourde. Si cela pouvait m’empêcher de…

— Eh bien, tu ne le peux pas et tu le sais fort bien. Alors viens donc auprès de moi, Thomas, viens te perdre au-dedans de moi. »Voyant que j’hésitais, elle ajouta : « Tu ne peux rien faire d’autre ; tu le sais, te dis-je. Cela n’a rien de répréhensible et te donnera beaucoup de plaisir. »

Elle m’ouvrit ses bras et je m’y blottis. J’y éprouvai un réconfort qui allait au-delà de ce que peut ressentir un enfant niché contre sa mère, car que sait un enfant du chagrin ou de la faim qui peuvent torturer un homme ? « Je vous aime, lui redis-je.

— Oui, dit-elle, oui, c’est fini à présent. »

Et maintenant, en effet, le monde était devenu tout simple : sa présence était ma joie, son absence ma souffrance. Mais ce n’était pas fini. Je n’avais plus de contrôle sur la fréquence de nos retrouvailles ; peut-être promettrait-elle de m’envoyer chercher, puis oublierait-elle, ou bien peut-être me garderait-elle auprès d’elle plusieurs jours de suite.

J’adorais être à ses côtés, tout simplement, observer sa façon de bouger, entendre sa voix. Quelquefois, elle m’autorisait à rester pendant qu’elle travaillait, qu’elle s’entretenait avec son peuple ; tantôt, je gardais le silence, et tantôt je leur jouais des airs de harpe. Parfois, nous



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